Conclusion


Alors que nos dirigeants continuent de faire des discours généreux, les textes rassemblés ici soulignent les problèmes rencontrés quant à l’aide aux élèves en difficulté et à l’intégration des enfants handicapés.

Dans la réalité, les aides spécialisées sont remises en question de rapports en colloques, le nombre de postes vacants croît et de nombreux départs en retraite ne sont pas remplacés. Le nombre de prises en charge assurées hors Education nationale, à côté ou dans l’école, augmente. Les orthophonistes, les CMP, les CMPP, le secteur libéral et depuis peu le recrutement "d’auxiliaires d’intégration" ou d’emplois jeunes remplacent ou pallient à l'absence de personnels formés (enseignants et personnels spécialisés). D’une certaine manière au nom de la rentabilité du système, on transfère des coûts vers d’autres ministères (la santé, l’emploi,...) ou vers le secteur privé.

Pour faire face à la dégradation continue que subit le secteur de l’Adaptation et de l’Intégration Scolaire, nous avons souhaité au cours de deux stages écrire un avenir à une école accueillante, intégrante et soucieuse de la réussite de tous les élèves.

Certes, face au noyau dur de l’échec scolaire nous ne disposons pas de solution miracle. Le nouveau ministère dit vouloir mener une réflexion globale sur le sens de l'école et revenir sur l'aide aux élèves en difficulté. Il fait un constat, le système éducatif bute sur " le noyau dur " de l'échec scolaire. Cette situation est jugée insupportable et malgré les moyens dégagés en dix ans peu de progrès ont été faits (19% de taux de retard à la fin de l'école primaire). Dès lors le ministère s’interroge, comment " réorganiser l'aide aux enfants et aux enseignants ? Peut-être que le système éducatif n’a pas assez porté attention aux enfants eux-mêmes? Peut-être faut-il avoir un autre regard sur l’enfance? "

Or, depuis longtemps les personnels spécialisés conçoivent et mettent en œuvre des aides spécifiques pour répondre aux difficultés spécifiques de chaque enfant. Ce savoir accumulé risque de disparaître avec eux.

En effet, la vision restrictive du service publique passe par la réduction des structures d’aides aux élèves en difficultés au nom du dogme qui veut que le maître "soit son propre recours ".
Tout est bon pour nous contraindre à rabaisser nos ambitions ; en cela, la lutte pour le maintien de structures AIS est l’affaire de tous, il en va de la conception de l’école que nous voulons. De régressions en régressions, en rendant de plus en plus précaires les implantations de classes à partir de besoins définis statistiquement en dehors des personnels, l'administration espère décourager définitivement les collègues spécialisés en les éloignant encore plus des équipes dans les écoles. De leur côté, les collègues des écoles, devant les entraves de plus en plus nombreuses pour obtenir une aide pour les plus en difficulté de leurs élèves, finissent pas se résigner ou par se replier sur des solutions d'urgence. À terme, ce sont de plus en plus d'élèves qui seront relégués dans les classes sans solutions, et que l'on retrouvera au collège, déjà marqués par un long passé d'échec. Aujourd'hui, cette solution ne peut qu'engendrer la violence et favoriser la création de ghettos. Vouloir traiter de l'école en termes de stricte rentabilité, c'est abandonner de fait sa fonction sociale intégrative pour l'adapter aux inégalités. S.M.I.C éducatif pour les uns, ouverture sur la culture pour les autres, c'est une école à la carte que l'on nous prépare. Modelée sur les inégalités sociales et géographiques, rythmée de façon municipale, il y a bien un changement d'envergure dans la conception de l'école, que l'on nous présente de façon faussement moderniste.

Dans ce contexte, nous nous devons de réaffirmer le sens de notre travail. Nous tenons à réaffirmer que l’échec scolaire n’est pas une fatalité et que son traitement relève du ministère de l’Education nationale. Si la nécessité de consacrer plus de " moyens " paraît évidente, cette seule explication est insuffisante (en dix ans le premier degré a perdu 320 000 élèves alors que parallèlement le nombre de postes a augmenté de 2000), tellement, il est difficile aujourd’hui de réduire le noyau dur de l’échec scolaire. D'autres explications sont évoquées : les enfants sont plus difficiles, la fracture sociale s'est accentuée.

Les raisons sont sans doute multiples mais à l’heure ou le libéralisme économique impose les licenciements massifs, la baisse des coûts salariaux, la précarité généralisée de l’emploi et où la violence et l’exclusion sont le lot quotidien d’une grande partie de la population, on voudrait faire porter sur l’école le poids de la crise. A titre d'exemple, on a jamais autant parlé des rythmes de l’enfant que depuis que l’on déstructure celui de leurs parents. Non, l’école n’est pas responsable du chômage, de la violence et de la misère.

De ce point de vue, l'A.I.S. est au carrefour des politiques sociales et, en la matière, les restrictions touchent aussi le secteur médico-social. Dans la santé publique ou associative, nos partenaires doivent faire face aux mêmes problèmes, c'est pourquoi il est temps de dépasser certaines rivalités anciennes pour défendre ensemble, avec nos particularités, la nécessité de la prévention des difficultés. Certes, nous sommes conscients de n'être qu'un maillon d'un dispositif nécessairement pluriel de lutte contre l'échec scolaire. Pour autant, nous sommes attachés à ce qui fait notre singularité, la dimension individuelle sociale et psychologique de l'enfant apprenant, que l'on réduit trop souvent aujourd'hui à un ensemble de procédures mentales à corriger. La possibilité de penser autrement les difficultés scolaires, sans volonté hégémonique, tel est l'enjeu de la défense de l'A.I.S. dont nous sommes porteurs.



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