Résumé :
La psychologie scolaire est née
il y a cinquante ans. Les missions des psychologues scolaires sont centrées
essentiellement sur la prévention de l'échec scolaire, l'aide
à l'intégration des enfants atteints de handicaps, la coordination
avec les services extérieurs et la participation aux commissions
de l'Education Spéciale... Actuellement, en France, les psychologues
scolaires sont les seuls psychologues à ne pas avoir de statut.
Pourtant, sa nécessité paraît évidente.
Seul un statut permettrait de différencier deux métiers distincts
enseignant et psychologue de l'éducation, autoriserait un recrutement
externe, seul garant d'un renouvellement des postes et autoriserait la
création d'un service de psychologie scolaire.
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1- HISTORIQUE
La psychologie scolaire a cinquante ans. C'est en 1945, qu'Henri Wallon chargé du secrétariat de l'Education Nationale par le Gouvernement Provisoire de la République, lance le recrutement des premiers psychologues scolaires. Leur mission essentielle est centrée sur l'orientation. Il s'agit alors de mettre chacun « à la place que lui assigne ses aptitudes... ». Dès lors « la psychologie scolaire doit fonctionner au profit exclusif des enfants, c'est-à-dire de chaque enfant pris individuellement ». L'expérience d'abord isolée en région parisienne et dans quelques grandes villes de province s'étend à l'ensemble du territoire. Si, à l'origine, la mission principale dévolue aux psychologues scolaires était l'orientation, elle s'est peu à peu modifiée avec la mise en place des G.A.P.P. pour se centrer davantage sur la prévention des difficultés scolaires.
2- LES MISSIONS
« Les actions du psychologue scolaire tirent leur sens
de la mise en relation entre les processus psychologiques et les capacités
d'apprentissage des élèves ».
. Circulaire N° 90-083 du 10 avril 1990
Les missions essentielles du psychologue à l'école
sont centrées:
- sur la prévention des difficultés scolaires et
leur traitement,
- l'intégration des enfants handicapés.
Elles s'organisent à partir d'actions spécifiques
:
- l'examen psychologique, clinique et psychométrique,
- les observations en classe,
- le suivi psychologique qui s'aménage à partir
d'entretiens avec les enfants, les familles et les enseignants,
- la coordination avec les services extérieurs (santé,
justice, services sociaux...).
D'autre part, les psychologues participent avec leurs compétences spécifiques à l'organisation de la vie institutionnelle (école, commissions de l'Education Spéciale...).
3- PUBLIC ACCUEILLI
Les psychologues s'adressent à tous les enfants des écoles maternelles et élémentaires publiques. S'ils interviennent au sein du réseau leur travail en dépasse le cadre (travail en collaboration avec les services sociaux sur les problèmes de maltraitance...).
Ils rencontrent parents et enseignants pour l'étude de cas individuels et peuvent aussi s'adresser spécifiquement à l'Institution et ses acteurs quand leurs compétences professionnelles sont requises.
4- QUELQUES CHIFFRES
En 1994-95, il y avait 42 psychologues scolaires pour 62 498 élèves, soit une moyenne de 1488 élèves par psychologue. À la rentrée 1995, après la fermeture d'un poste, il en reste 41 dont seulement 40 travaillent en réseau. Un poste est rattaché à l'Inspection Académique pour effectuer des remplacements, siéger à la CDES et travailler à l'observatoire de l'Intégration.
En juin 1995, lorsque l'Inspecteur d'Académie, M. Murignieux, décide autoritairement de fermer le poste de Dives sur Mer au motif qu'il "y a pléthore de psychologues réseau dans ce département", le Calvados se classe au 45ième rang national et se situe dans la zone médiane.
A la même époque, on observe nationalement des évolutions importantes entre le département le mieux doté et celui qui l'était le moins. Ces deux pôles extrêmes tendent à se rapprocher : on passe de 1 à 5 en 1991-92 à 1 à 3 en 1994-95. Certains départements font de très gros efforts. Ainsi, le Doubs passe de 16 à 47 postes alors même que sa population scolaire baisse, le Bas-Rhin de 26 à 41 postes, la Réunion de 26 à 44... D'autres maintiennent le niveau de leurs moyens.
Notre département, lui, dans la même période régresse de la 41ème à la 45ème place.
Dans les faits, le poste de Dives-sur-Mer supprimé se traduit
par une extension des secteurs des collègues.
En septembre 1994, cette circonscription comptait 3 psychologues pour
4744 enfants.
En septembre 1995, il n'y a plus que deux psychologues pour un effectif
global sensiblement équivalent.
En conséquence : une psychologue voit son secteur passer de
1814 à 2677 enfants et de 14 à 22 écoles. Sa collègue
constate un accroissement identique, de 1500 à 2000 enfants et de
13 à 25 écoles.
Depuis le nombre de postes a diminué pour se stabiliser à
36 postes en 1999-2000.
En 1998-99, les circonscriptions de Lisieux et de Trouville Deauville
ont perdu de façon transitoire ou plus durable des postes. A titre
d’exemple, sur la circonscription de Lisieux, un collègue s’est
retrouvé seul presque une année entière, là
où existaient en 1994, quatre postes.
5- LES PROBLEMES DE TERRAIN
a) L'absence de statut et ses conséquences
Notre métier fonde son identité légale sur la loi de 1985 qui protège le titre de psychologue et en punit l'usurpation . A l'heure actuelle, seule l'Education Nationale, et plus particulièrement le premier degré, refuse un statut à ses psychologues et continue de confondre le métier de psychologue et celui d’enseignant.
* Ce vide juridique empoisonne les relations entre les psychologues et certains supérieurs hiérarchiques, ce sont des tracasseries au quotidien, stériles et épuisantes. Cela nuit gravement à la qualité du service rendu aux usagers et paralyse les initiatives. Trois exemples parmi d'autres illustrent notre propos :
- L'obligation est faite à certains d'organiser leur temps de
service sur 8 demi-journées strictement calquées sur les
horaires scolaires, alors que le Directeur des Ecoles, dans une note de
service en date du 1/9/1995 précise : "l'emploi du temps des psychologues
scolaires permet la souplesse nécessaire à l'exercice de
[leurs] missions".
- L'obligation de service fixée à 24 heures hebdomadaires
est un acquis depuis plus de 30 ans. Les textes sur les réseaux
ont introduit une ambiguïté qui a coûté 5 ans
de querelles inutiles, puisque depuis le Directeur des Ecoles a confirmé
ces dispositions.
* L'absence de statut amène des difficultés de fonctionnement.
Au sein de l'école, l'administration empêche parfois
le psychologue de se référer au code de déontologie
de sa profession. Pourtant la circulaire n° 90-083 stipule :
« La diversité des cas et des situations, celle des approches
et des méthodologies impliquent pour le psychologue le choix de
ses outils et de ses démarches, compte tenu des règles en
usage dans l'exercice de sa profession ». Ainsi, l'obligation d'avoir
à divulguer certains éléments confidentiels sous le
prétexte du secret partagé engendre bien des tensions. De
même, il doit pouvoir rester maître du choix de ses outils
et de ses démarches quelles que soient les injonctions administratives.
*Le manque de moyens matériels s’ajoute aux autres difficultés
déjà évoquées.
- Il est rare de disposer au sein des écoles d’un local garantissant
la quiétude et la confidentialité des entretiens.
- Les communes de rattachement assument le plus souvent seules les
frais de fonctionnement, alors même que le psychologue est dans la
plupart des cas amené à intervenir sur un ensemble d’écoles
dont une partie est située hors celles-ci. Alors que certaines communes,
même de petite taille, font de gros efforts financiers pour que le
psychologue dispose du maximum d'outils nécessaires à son
travail, d'autres comme CAEN limitent les dépenses à une
somme forfaitaire insuffisante pour l'achat de gros matériel (par
exemple : la mallette du WISC-3 -test classique de l'évaluation
des capacités intellectuelles de l'enfant coûte 4969,93 TTC).
Les crédits étant votés annuellement par le conseil
municipal, le report de la somme attribuée à chaque psychologue
n'est pas possible sur l'année suivante. Ce type de gestion suppose
donc que pour une année donnée, les psychologues de la ville
de CAEN cédent une partie de leurs crédits pour qu'un collègue
puisse se doter d'un matériel coûteux. Cette gestion s'étant
révélée complexe, voire arbitraire, a conduit la ville
à demander aux inspecteurs de l'éducation nationale de gérer
ce problème. Ceux-ci le gèrent dans une enveloppe globale
attribuée à l’ensemble des personnels spécialisés
de leur circoncription, ce qui pose de nouveaux problèmes de répartition.
- Les restrictions budgétaires successives ont réduit considérablement les remboursements de frais de déplacement. Lorsqu’ils existent, ils se situent toujours à des niveaux inférieurs à ceux admis par l’administration fiscale. Aussi, occuper un poste de psychologue scolaire, c’est accepter une perte financière.
* En tant que fonctionnaire, le psychologue doit être noté.
Selon quelles modalités, c'est là tout le problème?
Inspecter le psychologue en lui attribuant une note pédagogique,
est-ce légitime? Les psychologues réclament l'obtention d'une
note administrative, basée sur un entretien à partir d'un
rapport d'activité.
De plus, l'obligation faite au psychologue de communiquer des
éléments de dossier ne permet pas à ce dernier de
garantir aux enfants et aux familles la confidentialité d'informations
relevant de l'intimité de la vie privée. La divulgation d'éléments
confidentiels est contraire aux principes de la Charte éthique des
psychologues, au Code de déontologie, à l'article 9 du Code
civil et à la loi du 13 juillet 1983, article 26.
b) Une interprétation locale et abusive des missions :
La lecture de certains bulletins d'inspection met l'accent sur
un problème fondamental. Notre département semble confondre
déconcentration et décentralisation et se permet de redéfinir,
au plan local, les missions des psychologues. On peut lire : " C'est l'enfant
en situation scolaire, c’est-à-dire l'élève, qui doit
mobiliser l'essentiel de son activité professionnelle (...), car
l'analyse des processus d'apprentissage pour éclairer la démarche
pédagogique constitue bien la mission essentielle du psychologue
scolaire".
Est-il pertinent de réduire l’enfant à l’élève
?
Est-il pertinent de réduire à ce point la psychologie
à l'école ?
Même des chercheurs cognitivistes de renom ne se le permettent
pas. Alain Moal affirme : « ...L'activité de pensée
est en interaction constante avec les aspects affectifs et sociaux ».
c) L'avenir de la profession
L'avenir de notre profession apparaît préoccupante. Nombreux sont les psychologues qui partiront en retraite dans les dix prochaines années en plus des postes actuellement vacants. Nous aIlons vite nous retrouver confrontés au problème du renouvellement de la profession.
Sachant que:
- les I.U.F.M. recrutent des stagiaires sur licence d'enseignement.
Or, il est exigé une licence de psychologie pour accéder
à une formation D.E.P.S.
- que l'embauche de faisant-fonction, instituteur ou professeur
des écoles ayant exercé depuis 3 ans et titré en psychologie
(D.E.S.S., D.E.A.), n’est que peu employée dans notre département
: faute de candidats diplômés ou de volonté de notre
administration.
Ne faudrait-il pas ouvrir en partie la profession aux psychologues
non enseignants?
On pourrait permettre un renouvellement de la profession
en organisant à parité :
- un recrutement interne des enseignants titrés en psychologie
et pouvant accéder à la formation selon les modalités
actuelles,
- et un recrutement externe ouvert aux étudiants de troisième
cycle de psychologie qui pourraient accéder au corps des psychologues
de l'Education Nationale.
Si la connaissance du lieu institutionnel où exerce le
psychologue paraît indispensable, on pourrait imaginer une année
de formation spécifique post-concours.
6- NOS REVENDICATIONS
- un statut de psychologue,
- un service de psychologie de la maternelle à l'université,
- une formation initiale et continuée de haut niveau,
- le recrutement de nouveaux psychologues,
- des moyens financiers pour fonctionner correctement ( crédits,
locaux, frais de déplacement...).
7. EN GUISE DE CONCLUSION
En s'adressant à l'enfant, au sujet, le psychologue de
l'école devient un tiers entre l'Institution et l'Etre en devenir
qui essaie de se constituer parfois avec difficulté et souffrance.
Il refuse de devenir un "calibreur", réduisant l'enfant
à l'élève apprenant, l'être humain à
une machine à traiter des informations, objet de pratiques pédagogiques.
C'est cette place qui nous est refusée par notre "noblesse
d'état" . A l'humanisme, elle préfère la logique économique,
la rentabilité, les contrats de 3 ans, les taux de couverture moyenne...
8. LES TEXTES DE REFERENCE
Loi n° 85-772 du 25 juillet 1985
Décret n°90-255 du 22 mars 1990
Arrété du 16 janvier 1991
Note de service n°91-022 du 29 janvier 1991
Circulaire n° 90-083 du 10 avril 1990
Note de service du 1 septembre 1995 du Directeur des Écoles
Sur l'atteinte à la vie privée : art. 9 du Code
Civil, art. 226-1 et suivants du Nouveau Code Pénal
Sur l'atteinte au secret : art. 226-13 et 226-14 du Nouveau Code
Pénal
Nos collègues ont publié :
R. Perron, J.-P. Aublé, Y. Compas, L'enfant en difficultés,
l'aide psychologique à l'école , Toulouse, Privat,
1994.
E. Boseti, S. Goulfier, A. Thiriet, Le psychologue, l'école
et l'enfant, Paris, Dunod, 1995.
E. Boseti, M. C. Brossais, S. Goulfier, A. Thiriet, Votre enfant
et le psychologue scolaire, Paris, Dunod, 1985.
B. Jumel, R. Perron, F. Gaillard, Le travail du psychologue dans
l’école, Paris, Dunod, 1999.
Coordonné par S. Guillard et J.C. Guillemard, Manuel pratique
de psychologie en milieu éducatif, Masson, Paris, 1997.
Le site internet de l’AFOREP : http://www.chez.com/psychologue